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Le dormeur du parc

 

C'est tout un paysage que le dormeur du parc ... que dis-je un paysage, un monde à lui tout seul ! Peut-être avez-vous déjà eu la chance de l'apercevoir sur un de ces petits bancs verts d'une allée gravillonnée.

Il faisait beau ce jour-là ... ( je concède que je ne suis jamais bien difficile après un hiver en dépassement d'honoraires ). C'est donc plein de cet enthousiasme refleurissant des citadins en overdose de dioxyde que je décidai de m'offrir le refuge d'un de ces poumons de nos cités que sont les pitoresques petits squares botaniques. Or vous savez comme moi ce que sont les charmantes allées gravillonées lorsque soleil et chaleur sont au rendez-vous avec le dimanche : les places sont chères si vous n'avez un landau et une progéniture en manque de balançoire. Habituellement le spectacle d'une enfance retrouvée pour une semaine de travail oubliée ne manque jamais de m'égayer mais je dois avouer que ce dimanche-là j'aspirais à une "retraite zen au coeur de gaïa".

C'est donc dans la quête du sanctuaire que je renonçais à côtoyer les Danielle Steel et Simenon de ces dames endimanchées pour me chercher  un banc rescapé et isolé ... après moults circuits inquisiteurs, j'allais me résoudre à la sociologie de l'enfance lorsque soudain je vis cet ... ce ... comment dire ? Enfin ... le dormeur du parc ... et à côté de lui cet espace vierge n'attendant que le repos fessier du guerrier. Après une manoeuvre subtile d'approche consistant à estimer les décibels ronfleurs et la profondeur du sommeil de l'imposant assoupi, je me résolu à timidement conquérir l'extrême opposé du dossier ...

Autant vous dire qu'à ce moment-là mes résolutions quant à une nécessaire introspection méditative dans les bras de dame nature venaient de rejoindre le firmament de l'oubli pour se voir substituer une curiosité toute scientifique pour mon surprenant voisin ...

Mais je ne voudrais pas vous maintenir dans le suspens plus longtemps, aussi est-ce avec empressement non dissimulé que je vous décris l'étrange voisinage et l'extraordinaire découverte qu'il me fut donné de faire ...

Le sommet élevé, incliné vers l'avant reposait mollement sur une poitrine aussi vaste que mes bras en croix; au pôle jaillissait la source d'une filasse grise et grasse gagnant en cascades aventureuses un torse recouvert d'un épais tricot garde-manger vert amazonien ... sous le filet embroussaillé dépassait le promontoire cyrosé de l'avant poste d'un visage bouffi et rougeaud aux lèvres charnues et aux sourcils généreux ... la vaste plaine enfouissant les deux épaules dans un arrondi vallonné s'offrait un à pic des plus impressionnant sur les côtés, pour une pente douce vers l'avant. Les vestiges de plusieurs générations de sous vêtements étaient perceptibles en strates dans les trouées occasionnées probablement par quelque évènement majeur. Deux énormes cordillères courraient au sud de la plaine pour croiser leurs extrémités boudinées avec les mailles rescapées du tricot. Enfin cette ceinture équatoriale dépassée, le regard glissait après un rebondi généreux au long de deux larges ponts gagnant la terre ferme du gravier. toute une architecture complexe pour ces prodiges anatomiques qui avaient réalisé la fusion de la nature et de la civilisation par une alchimie secrète des cellules organiques et inorganiques. Le puzzle d'un Jean antique trouvait dans des zones de steppe pileuses une jointure harmonieuse qu'on aurait cru participer au design vestimentaire.

J'en viens à l'extraordinaire découverte qu'il me fut donnée de faire dans ce paysage grâce aux délires balbutiants du colosse assoupi ... autant vous dire que l'espace vital qui m'avait paru essentiel entre nous au départ ne serait-ce que pour des raisons olfactives, venait de fondre sous le coup d'une irrépressible curiosité qui m'avait amené à installer le campement de mon regard à flanc de colline.

C'est grâce aux indications d'une voix pâteuses que je pus découvrir le petit monde du dormeur du parc ...

En effet, la relative tranquillité du lieu, l'abondance des ressources organiques, la richesse du terrain avaient favorisé l'implantation de la communauté du dormeur du parc. tous les jours, le corps humain produit une grande quantité de rejets organiques pileux, dermaux, besoins naturels, suées, larmes ... or j'assistais ici à un équilibre naturel parfait entre cette communauté et un corps humain qui sans nul doute aurait, dans d'autres conditions déjà cédé la place à des maladies, des infections ... or ici tel n'était en fait pas le cas grâce à une coopération parfaite entre l'homme et ses hôtes. Naturellement ce n'est pas de lilliputiens que je vous parle mais de créatures qui jusqu'alors m'étaient parfaitement inconnues et dont le métabolisme était parfaitement adapté à la survie en milieu humain.

Troglodytes, ils étaient établis dans ces excavations vestimentaires de la plaine que j'évoquais, ils creusaient leurs galeries dans les strates vestimentaires et y installaient leurs habitats. Naturellement il ne s'agit pas non plus d'une intelligence prodigieuse et l'essentiel de leur activité correspondait à la satisfaction de leurs besoins vitaux mais je crois que le modèle même de cette existence est exemplaire au regard de l'immense gâchis que nous occasionnons tous les jours avec nos déchets ménagers. Rien ne se perd ... il existe trois types d'individus, ceux qui petits et aux corps longs et étroits sectionnent et entretiennent les galeries de vêtements tout en les amidonnant, plâtrant et fortifiant avec les selles et nouant les jonctions avec des cheveux. Ceux aux corps plats avec des poches ventrales pour recueillir les fluides, qui nettoient et recueillent toutes les ressources organiques qui seront ensuite utilisées; évidant les pores des graisses et suées qui serviront à nourrir la communauté, récoltant les selles et l'urine pour entretennir l'habitat, ils garantissent l'hygiène du corps grâce à leur salive qui désinfecte et nettoie en même temps. Les derniers petits et rapides se déplacent constament d'une extrémité à l'autre pour superviser le tout et veiller à l'entretien scrupuleux d'un corps exposé facilement aux infections et maladies. Le mode de communication sont les phéromones qui déposées sur la peau l'imprégnent et permettent de rapidement avertir tout un chacun selon une palette très fournies d'effluves que fournissent les glandes des derniers individus.

Au final c'est tout un éventail de techniques qui est mis en oeuvre pour permettre la survie de cette communauté; les liquides sont précieusement retenus par des poches étanches aménagés dans les vêtement tressés à même l'epiderme. Des conduits aménagés vers la surface permettent la régulation d'une ventilation du corps selon la température extérieure afin de réguler la perte d'énergie calorifique. Des stimulis aux connexions nerveuses entraînent les mouvements musculaires adéquats afin que le corps continue à travailler et favorise la circulation sanguine. Les résidus de repas qui échouent dans  le tricot permettent de produire des cataplasmes pour les plaies éventuelles, en étant mêlés à l'urine et agglomérés avec des poils.

Captivé par les commentaires soutirés à une voix pâteuse et ensommeillée, je découvrirs donc la communauté autonome du dormeur du parc qui devait m'amener par la suite à adopter un tri séléctif rigoureux, à ramasser les papiers jetés par autrui devant moi et appliquer une récupération et un recyclage systématiques de mes ordures ménagères.

Et à ceux qui pointent du doigt les "déchets de la société", je ne manque de conter cette petite anecdote afin qu'ils sachent que chacun pourvoit au fonctionnement d'une société à son niveau, d'une manière ou d'une autre ...

 

[ J.D ]

(Extrait de mon journal de petits mondes 16 mai 2004 à 16:06:12)

Prose de Songe, le Dimanche 16 Mai 2004, 16:03 dans le monde "Mondes microscopiques".

Commentaires :

TeidyLOU
16-05-04 à 22:02

Très drôle... J'aime beaucoup cette petite histoire! :-)
J'aurais adoré l'écrire aussi bien que tu le fais...
Et puis cet humour et cette légèreté me dévoilent une facette d'un Songe que je ne connaissais pas et qui me plaît beaucoup !

Bisous,

TEÏDY LOU

 
Songe
16-05-04 à 23:11

Re:

Merci beaucoup Teïdy Lou, ça me fait vraiment plaisir de lire ce commentaire :o)

C'est effectivement une part de moi que j'avais laissé un peu de côté, ma chère légèreté ... cette idée m'est venue dans la continuité de cet article-ci publié en aout dernier sur mon joueb, à l'époque où mon blog n'avait encore cette gravité pesante qu'il a pris en cours de route ...

Heureux que ça te plaise, vraiment :o)

Bisous !!!

Songe